Une étude réalisée par la Fondation Jean Jaurès auprès des populations actives exerçant une activité professionnelle dans les pays du « Big 5 » européen (Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne et France), montre que la France se démarque de ses voisins européens par un accès plus restreint de sa population active au télétravail.
C’est en Allemagne et en Italie que le télétravail est le plus pratiqué par une majorité d’actifs (respectivement 61% et 56%). Cet étiage atteint 50% au Royaume-Uni tandis qu’il devient minoritaire en Espagne (43%) et surtout en France (34%).
À cette accessibilité réduite en France se superpose une fréquence de pratique moindre. Les salariés Français sont ainsi presque 2 à 3 moins nombreux que leurs voisins européens à pratiquer le télétravail 4 à 5 fois par semaine.
La France se démarque aussi par davantage d’inégalités d’accès, notamment selon la catégorie professionnelle.
Ainsi, dans les cinq pays, les catégories socio-professionnelles « supérieures » (les fameuses CSP+) ont davantage accès au télétravail au moins un jour par semaine que les échelons inférieurs. Mais c’est en France que le clivage est le plus fort. Alors que l’écart entre les deux catégories n’est « que » de 8 points en Italie, avec des taux hebdomadaires qui concernent 56% des CSP+ et 48% des CSP-, il atteint 39 points en France : 56% des CSP+ et seulement 17% des CSP-.
L’âge constitue l’autre grande variable discriminante dans la pratique du télétravail. Les actifs âgés de moins de 35 ans télétravaillent ainsi davantage que ceux de plus de 50 ans. Au Royaume-Uni, on compte ainsi presque deux fois plus d’actifs de moins de 35 ans télétravaillant au moins une fois par semaine que d’actifs de plus de 50 ans (58% contre 31%). En France, cet écart n’est que de… 3% (31% contre 28%).
Il en résulte une frustration importante face à l’accès au télétravail en France, qui se retrouve seulement en Espagne dans des proportions comparables.
L’aspiration au télétravail est ainsi fortement affirmée par les actifs en poste des différents pays investigués. En effet, invités à répondre au nombre de jours souhaité dans l’idéal, une proportion importante des interviewés des cinq pays souhaiterait le pratiquer au moins une journée par semaine : 80% en Espagne (+44 points par rapport à la pratique réelle), 74% en Italie (+24 points), 69% en Allemagne (+18 points) et en France (+40 points) et 62% au Royaume-Uni (+20 points).
Il ressort donc de la comparaison entre fréquence idéale et fréquence réelle de télétravail que les frustrations sont surtout exacerbées en France et en Espagne.
C’est enfin en France que le nombre de jours de télétravail souhaité est le plus faible (1,8 en moyenne). Une hypothèse d’explication émise par la Fondation Jean Jaurès résiderait dans le fort clivage social observé précédemment. Il en résulterait une forme de résignation partagée par une partie des actifs qui aurait intégré le fait qu’elle y serait difficilement éligible.
Ainsi, après une accélération rapide pendant la crise sanitaire, un mode d’organisation « hybride » alternant présentiel et distanciel est donc actuellement privilégié.
Car si la pratique comme le souhait de télétravail diffèrent selon les pays, ses représentations associées y sont partout plutôt homogènes et positives, télétravail rimant tout particulièrement avec économies financières (trajets, repas, garde d’enfants…), autonomie et meilleure conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle.