Si 2022 aura incontestablement été l’année de l’avènement de la mixité d’usages de l’immeuble tertiaire, voici qu’une nouvelle notion, qui lui est intimement liée, prend son essor : l’immeuble « chronotopique ».
La chronotopie désigne la prise en compte simultanée des dimensions temporelle (chronos) et spatiales (topos). C’est penser l’espace en fonction du temps disponible et des usages possibles tout en considérant les différents publics présents. Cette notion permet de repenser les lieux en mutualisant les besoins et/ou en hybridant les usages.
Le flexoffice, d’une certaine manière, est déjà une forme de chronotopie puisqu’il s’agit de mutualiser les besoins des différentes équipes et collaborateurs sur un même espace en tenant compte du temps d’usage de chacun.
L’immeuble « chronotopique » promet d’aller plus loin, avec, en ligne de mire, une équation économique améliorée. Penser l’immeuble d’activité de cette manière permet en effet de réfléchir à plusieurs possibilités encore peu explorées. La première piste consiste à mutualiser les espaces en ouvrant la possibilité de les utiliser à d’autres publics que les seuls collaborateurs, pendant ou en dehors des horaires de travail classiques (même s’ils sont de moins en moins classiques…). Ce peut être, par exemple, de donner accès aux parkings en soirée et le week-end aux résidents du quartier ou à des publics venant profiter de lieux de loisirs proches (restaurants, salles de spectacle…). Idem avec le restaurant d’entreprise, la salle de sport ou les espaces de corpoworking, s’il y en a.
Autre possibilité, rendre les espaces plus polyvalents pour leur permettre d’être utilisés plus souvent et pour différents usages. Ce peut être le cas de l’espace restauration, qui sert de plus en plus souvent d’espace de coworking, de détente ou de rassemblement en-dehors des heures de repas.
L’avantage, avec la chronotopie, c’est que les possibilités n’ont de limites que l’imagination ! C’est ainsi que la start-up Garage à Lille a imaginé son immeuble (un ancien garage à voitures) comme un outil destiné à « faire société » toute la journée, tous les jours de toute l’année. L’immeuble propose ainsi des restaurants, des commerces, des bureaux, des ateliers, des spectacles et des animations et une ouverture très étendue. Le secret réside dans la possibilité de transformer certains espaces rapidement pour leur permettre d’accueillir des activités différentes et, pour réaliser cela, les créateurs sont allés voir du côté du… théâtre ! En effet, pour pouvoir accueillir toutes sortes de spectacles, les théâtres ont depuis longtemps développé des astuces techniques leur permettant d’adapter leurs espaces rapidement et largement. Grâce à cette exploitation quasi-permanente de leur bien, les dirigeants de Garage annoncent des locations d’espaces de bureaux 20 à 30% inférieures à ce qui se pratique dans le quartier.
A l’heure de la neutralité carbone, de la sobriété énergétique et du zéro artificialisation nette des sols, nul doute que le concept d’« immeuble chronotopique » a de beaux jours devant lui tant il a du sens. Si on y ajoute une meilleure équation économique, il n’y a plus de doute : la chronotopie, c’est bon pour la planète et pour le portefeuille !
Toute l’équipe d’ANews WorkWell vous souhaite une très belle semaine et vous propose de visionner en avant-première sa prochaine table-ronde portant sur « l’hygiène et la santé au travail : quels enjeux ? quelles innovations ? » avec Catherine Cara (DET de Manutan), Marjorie Dumont-Crisolago (Preventech) et Clémence Andrieu (Levebvre-Dalloz).
Lionel Cottin
Directeur de la rédaction