Après « métavers », voilà le « buzz word » à la mode : hybride !
Nous savions le salarié nouveau des années 2000 plus « empowered », celui des années 2010 plus « slasher », il semble fort que le salarié nouveau de la décennie 2020 sera quant à lui plus « hybride »… en plus d’être tout le reste.
En fait, il n’y a pas que le salarié qui sera plus hybride : tout le devient, même en matière de santé au travail, l’ « hybride sain » va devenir la norme (cf notre newsletter de jeudi prochain).
Que se cache-t-il derrière cette nouvelle mode sémantique ? Par quelles tendances de fond ce travail hybride est-il porté et quels risques emporte-t-il ?
Ce monde hybride qui s’annonce se caractérise en fait par une alternance plus forte entre des moments travaillés sur son lieu habituel de travail et des périodes de travail distant, chez soi le plus souvent, mais aussi en tiers-lieu. Il est intéressant d’ailleurs de constater que, d’après la dernière enquête internationale réalisée par Actineo et Colliers International portant sur 5 métropoles majeures dans le monde, les Parisiens sont les moins enclins à considérer le travail en tiers lieux comme une option. Le travail hybride dans notre pays est d’abord considéré comme une alternance entre des périodes de travail au bureau et chez soi. Il faut dire que l’un des principaux avantages reconnus au télétravail réside dans les heures de transport gagnées. S’il s’agit de les reperdre en partie pour gagner un tiers-lieu, le bilan est tout de suite moins avantageux…
Au rang des avantages ouvertement recherchés, en tout cas du côté des collaborateurs, il y a le gain d’autonomie et de liberté. Cela en dit long, au passage, sur la culture managériale dominante dans notre pays… Est-ce irrémédiable ou est-ce qu’une évolution de la culture managériale de type « command-control » vers une culture plus participative et donnant plus d’autonomie aux équipes et aux collaborateurs serait de nature à briser l’appétence pour le télétravail ? C’est une question que je me pose souvent et que je poserais volontiers à quelques sociologues et DRH.
Autre avantage sous-jacent, quoique controversé, prêté au télétravail : le gain de productivité. Certaines études ont chiffré ces gains à plusieurs pourcents de productivité, de 5% à 22% (qui dit mieux ?) selon les études. Même un gain de 5% de productivité serait considérable et très nettement de nature à soutenir durablement la tendance vers l’hybridation du travail. Mais ces gains sont-ils pérennes et uniformes ? Comment évoluent-ils dans le temps et concernent-ils tous les télétravailleurs ? Sans doute que des études plus approfondies seront nécessaires sur ce sujet, sur de plus grandes cohortes et surtout sur de plus longues périodes avant de voir si cet avantage en est réellement un.
Enfin, le souhait de mieux équilibrer vie professionnelle et vie personnelle compte de plus en plus lourd dans la balance. C’est une attente de plus en plus forte des salariés français, une vague de fond que l’on voit monter au grès des enquêtes depuis des années déjà. Le télétravail n’est d’ailleurs pas forcément l’alpha et l’oméga des réponses sur ce sujet. Les sujets des horaires décalés ou de la semaine de quatre jours sont clairement posés sur la table. De nombreux DRH signalent que les questions relatives au « package équilibre de vie » (télétravail, horaires décalés, services…) arrivent désormais très vite dans les entretiens d’embauche… L’hybridation du travail tertiaire est d’abord le résultat de cette aspiration qui traverse toute la société et toutes les générations comme le montrent les études. Un véritable phénomène de société.
Au rang des risques pas toujours assumés ni bien évalués, citons, entre autres, la perte de cohésion et la création de nouvelles inégalités. Dans une société déjà fortement individualiste, le développement de modes de travail hybrides ne risque-t-il pas de faire exploser l’un des derniers liens qui unissent les citoyens les uns aux autres : le collectif de travail ? Et de créer de nouvelles inégalités entre ceux qui pourront télétravailler et les autres ? Plusieurs sociologues se sont déjà exprimés pour livrer leurs interrogations et leurs inquiétudes sur ces sujets. Quels liens, quelles cohésions nouvelles viendront remplacer ceux du collectif de travail et seront-ils aussi forts et structurants pour notre société hybride de demain ?
Le sociologue Alain d’Iribarne a l’habitude de dire que nous construisons, pas nos choix collectifs, la société qui nous entoure et à laquelle nous appartenons. Nous avons toujours le choix, à tout instant, d’accepter ou de refuser telle ou telle innovation, telle ou telle évolution. Lorsque nous acceptons, individuellement comme collectivement, c’est qu’elle répond à une attente, à un besoin. Hybrides donc, nous serons.
Espérons seulement que notre choix soit éclairé. Rassurez-vous, ANews WorkWell est là !
Très belle semaine.
Lionel Cottin
Directeur de la Rédaction ANews WorkWell