« Downsizing ». C’est l’affreux néologisme utilisé pour décrire les « adaptations », pour ne pas dire réductions, en tout genre qui interviennent avec le développement du télétravail.
Le « downsizing » est évidemment au programme de nombreuses directions de l’immobilier et de l’environnement de travail s’agissant des surfaces de bureaux qu’il conviendra de conserver une fois les variables de l’équation connues, à savoir le nombre de jours de télétravail imposé ou non, le nombre de personnes concernées et le taux comme le type de flexoffice accepté.
Dans la foulée, l’adaptation de certains contrats de prestations de services aux collaborateurs basés sur des éléments de fréquentation (restauration, conciergerie…) interviendra inévitablement.
A moins que les collaborateurs et les dirigeants n’en décident autrement, cette mécanique est enclenchée et devrait faire sentir ses effets de plus en plus fortement dans les mois et les années qui viennent.
Et il y a peu de chance qu’il en soit autrement, les chiffres parlant d’eux-mêmes : d’après plusieurs études menées par Citrix*, qui a interrogé des salariés issus des générations Y et Z, moins d’un jeune Français sur dix aimerait travailler au bureau à temps plein.
Les français ont en effet une appétence pour le travail à la maison : 90% des « digital natives » ne souhaitent pas revenir au bureau à temps plein après la pandémie, lui préférant un modèle hybride. Parmi ces répondants, 27% d’entre eux favorisent un modèle où ils passent plus de temps à la maison qu’au bureau tandis que 34% souhaiteraient même travailler tout le temps à la maison.
Le contraste avec la vision des dirigeants d’entreprise sur ce point est d’ailleurs saisissant puisque 63% d’entre eux pensent que les jeunes travailleurs voudront passer la plupart ou la totalité de leur temps à travailler au bureau. On peut difficilement se tromper plus !
L’inévitable développement du télétravail à grande échelle, conjugué aux congés et autres RTT, a une conséquence d’ores et déjà très visible : une fréquentation en berne dans les grands sites tertiaires le vendredi, qui se répercute sur les transports en commun et tous les commerces de proximité qui constatent, eux aussi, les effets de cette évolution accélérée des habitudes de travail.
Cette constatation soulève la question de l’intérêt de conserver certains grands immeubles de bureaux ouverts le vendredi, d’autant que le débat sur la semaine de quatre jours, encore balbutiant en France, a déjà pris quelques longueurs d’avance dans des pays proches de nous, qu’il s’agisse de l’Islande ou de l’Espagne.
En Espagne par exemple, la semaine de quatre jours est expérimentée depuis le début de l’année dans 200 entreprises volontaires. Le temps de travail hebdomadaire y est abaissé de 40h à 32h sans baisse de salaire pendant trois ans afin de comparer les résultats obtenus en termes de qualité de vie au travail et de productivité par rapport à celles qui ont conservé une organisation classique.
En Islande, l’expérimentation de la semaine de 4 jours menée entre 2015 et 2021 par l’Etat et la mairie de Reykjavik a été tellement concluante qu’aujourd’hui 86% des actifs, secteurs public et privé confondus, bénéficient d’une réduction de leur temps de travail ou d’une flexibilité dans leur contrat de travail permettant de réduire le volume horaire global.
Des exemples suivis par quelques entreprises en France, comme LDLC, qui a adopté la semaine de 4 jours début 2021, sans baisse de salaire. L’idée fait même son chemin chez TotalEnergie. Dans une interview au quotidien Les Echos, son PDG, Patrick Pouyané, a surpris plus d’un lecteur le 28 janvier dernier en déclarant : « Avec la crise du Covid-19, depuis septembre, on s’aperçoit que le taux d’occupation de nos bureaux est de 65 % du lundi au jeudi. Le vendredi, c’est moitié moins. Je me demande s’il ne faudrait pas libérer une demi-journée, voire une journée entière, pour permettre aux salariés de s’occuper de leurs tâches personnelles pour que le reste de la semaine soit dédié à leur mission professionnelle. »
Malgré tout, la semaine de cinq jours reste un modèle de travail populaire en France, même si 16% des « digital natives » français pensent qu’ils devraient avoir la possibilité d’adopter la semaine de quatre jours s’ils le souhaitent. Une option qui s’intercale entre le souhait de pouvoir décider du début et de la fin de sa journée de travail (20%) et celui de pouvoir travailler selon des horaires non structurés ou basés sur les résultats (10%).
Une chose est sûre, les modes de travail en environnement tertiaire ont définitivement tourné la page de l’ère industrielle et tayloriste. Il n’y aura pas de retour en arrière et une différence très nette est en train de se marquer entre les métiers et les secteurs où le télétravail est possible et les autres, dont il est encore bien difficile d’entrevoir toutes les implications à l’échelle d’une société.
Voilà un beau thème de discussion pour sociologues et philosophes avertis. Ça tombe bien, deux d’entre eux, Julia de Funès et Luc Ferry, seront présents lors du prochain Gala des Directeurs de l’Immobilier et de l’Environnement de Travail le 23 juin prochain. Une belle occasion de profiter de leurs lumières !
Toute l’équipe d’ANews WorkWell se joint à moi pour vous souhaiter une très belle semaine !
Lionel Cottin
Directeur de la rédaction d’ANews WorkWell