La dernière enquête de l’Anses, l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, sonne comme un coup de tonnerre.
Selon cette étude, 95% de la population française adulte est exposée à un risque de détérioration de la santé par manque d’activité physique ou un temps trop long passé assis. Les femmes (70 % d’entre elles sont en-deçà de tous les niveaux d’activité identifiés pour être en bonne santé, contre 42 % des hommes), les adultes à faible niveau d’études et les moins de 45 ans sont les plus exposés. Et 51% des adultes de plus de 18 ans sont en surpoids ou en obésité !
En cause ? « Des obstacles sérieux qui relèvent notamment de l’urbanisme, de l’aménagement du territoire, des modes de transport et de l’organisation du temps et des espaces de travail ou scolaires » selon les auteurs. Ça commence à faire beaucoup !
L’étude souligne à juste titre que c’est l’organisation même de nos modes de vies qui est à revoir. Elle pointe, entre autres, le lieu de travail comme facteur de sédentarité et recommande d’y favoriser la pratique sportive.
Déjà en 2017, selon le docteur Martin Juneau, cardiologue et directeur de la prévention à l’Institut de Cardiologie de Montréal, une revue systématique et une méta-analyse portant sur 16 études prospectives et 2 études transversales auprès de près de 800.000 participants révélait que les personnes très sédentaires avaient un risque 112 % plus élevé de souffrir du diabète que les personnes peu sédentaires, un risque 147 % plus élevé d’événement cardiovasculaire, un risque 90 % plus élevé de mortalité due à une maladie cardiovasculaire et un risque 49 % plus élevé de mortalité, toutes causes confondues.
La sédentarité seule ne suffit d’ailleurs pas à expliquer ces niveaux de risques plus élevés. La façon d’être sédentaire a également une incidence. Ainsi, passer 8 à 10h assis augmente les risques d’accidents cardiaques de 15%, quelle que soit l’activité physique pratiquée par ailleurs.
Les conséquences de la sédentarité ne sont clairement pas assez prises en compte en matière de prévention et il serait temps d’y remédier.
Alors qu’un accord national interprofessionnel sur la santé au travail a été signé le 9 décembre 2020, suivi, le 2 août 2021, d’une loi renforçant la prévention de la santé au travail, elle-même suivie du 4ème Plan Santé Travail présenté le 14 décembre dernier, rien, ou presque, ne concerne la prévention de la sédentarité et de ses risques.
Le 4ème Plan Santé Travail, qui court jusqu’en 2025, va ainsi se concentrer sur « la prévention renforcée des accidents du travail graves et mortels, la structuration renforcée de la prévention de la désinsertion professionnelle, un meilleur accompagnement des entreprises et de leurs salariés en matière de prévention des risques psychosociaux, et la prise en compte de nouveaux risques, telle que les violences sexuelles ou les agissements sexistes au travail, ainsi que l’accent mis sur l’intégration du facteur santé dans les stratégies de gestion de crise des entreprises. ». Tous ces sujets sont évidemment essentiels mais, étonnamment, rien sur la sédentarité.
Les entreprises ont pourtant tout à gagner à favoriser une bonne prévention en matière de santé au travail. Une étude de l’Agence Européenne pour la Santé et la Sécurité au travail révélait dès 2014 que chaque euro investi dans la prévention santé en entreprise rapportait 13 euros grâce à la meilleure santé des salariés : moindre absentéisme, moindres primes de complémentaires santé, etc. Un cercle vertueux bien enclenché sur les lieux de production, où les obligations en matière de sécurité sont beaucoup plus intégrées par les personnels qu’en milieu tertiaire.
Car tous les professionnels de la santé-sécurité ne cessent de le répéter, les résultats des actions mises en œuvre dépendent en très grande partie des intéressés eux-mêmes, c’est-à-dire des collaborateurs et de leur capacité à modifier leurs habitudes pour adopter les gestes vertueux.
Je rajouterais que cela dépend aussi de la culture de l’entreprise et de ses managers. Sans culture forte poussant à modifier l’organisation du travail de façon à lutter contre la sédentarité et à proposer des activités sportives sur le lieu de travail, et sans managers incitant les équipes à faire une pause sportive chaque jour, aucune chance d’aboutir à un résultat probant !
La prévention de la sédentarité devrait être déclarée cause nationale. Quand on connaît le temps nécessaire pour voir apparaître les premiers résultats positifs, le travail de fond devrait être enclenché sans délai.
Oserais-je dire que la course d’obstacles devrait démarrer maintenant ?
Toute l’équipe d’ANews WorkWell vous souhaite une belle semaine sportive !
Lionel Cottin
Directeur de la Rédaction d’ANews WorkWell